Après plusieurs reports sur fond de divergences, c’est finalement ce mardi 21 mars 2023 à Bunia, que s’est ouvert le dialogue intracommunautaire ENTE, regroupant des membres de la communauté Hema.
Annoncé depuis le 24 février par l’association culturelle ENTE, la tenue de ce dialogue s’est heurtée, jusqu’à son démarrage ce mardi 21 mars, à plusieurs obstacles liés notamment à des contestations relatives à son organisation jugée « d’inopportune » par certains membres de ladite communauté.
Différents mots et appels
“ Dans la culture africaine, quelle que soit la joie ou la tristesse, nous dansons. Par cette danse, nous exprimons notre souffrance, pour exprimer la souffrance de la communauté ”, a dit le docteur Bagamba Arali, expliquant le sens de la danse traditionnelle, prestée juste au début de ces travaux qui, selon le programme, dureront pendant 4 jours.
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Prenant la parole, pour le mot de bienvenue, le président de l’association culturelle ENTE a rappelé les principaux objectifs et les résultats attendus de ces assises.
“ Nous sommes convaincus, que toutes les communautés doivent être au cœur de rétablissement de la paix. (…) Nous devons tous ensemble construire une société de paix, de pardon, de cohésion sociale ”, a insisté Lonema Vajeru.
De son côté, Jean Richard Dhedha, vice président des chefs coutumiers Hema, s’est attardé à formuler quelques recommandations, au-delà d’avoir dressé une situation « tragique » que traverse des habitants de cette communauté, éparpillés dans différents villages de la province.
“ Au gouvernement central, d’imposer la Paix sur l’ensemble de la province de l’Ituri; de renforcer l’effectif militaire à Djugu et Irumu; de mettre sur pied en urgence le programme DDRCS ”, a-t-il plaidé avant d’appeler les participants à réaliser “ un travail participatif pour que notre communauté soit sauvée ”.
Au nom du consortium « médiation pour la résiliation et la paix dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu », le représentant de l’ONG Interpeace a salué la participation d’un bon nombre de personnes.
“ La paix vient avec le concours de nous tous, avec l’approche participative ”, a-t-il rappelé tout en estimant que “ ceux qui ne sommes pas avec nous, seront avec nous demain ou après demain ”, a indiqué Samuel Bayubasire, program manager de l’Interpeace.
Pour le président Vajeru, “ la paix ne se limite pas à des simples et vaines déclarations, elle doit se concrétiser dans le comportement ”. Ainsi, ce représentant du peuple Hema espère que d’autres membres de sa communauté qui traînent encore le pas, pourraient se joindre à cette activité « capitale ».
“ Je sais qu’il y a des gens qui hésitent, mais qui vont nous rejoindre,… ou peut-être pas. On ne peut pas réclamer seulement la paix aux autres, mais nous devons aussi y participer ”, a-t-il estimé.
L’organisation des Nations-Unies, représentée par le chef de bureau de la MONUSCO en Ituri a rappelé la nécessité de dialoguer.
“ Il est bon de se retrouver ensemble pour parler de notre futur ”, a dit monsieur Karna Soro.
“ C’est une opportunité pour la communauté ENTE de pouvoir se retrouver au tour d’une table, car la paix c’est un processus qui exige l’implication de tout le monde (…). Nous demandons à tous les participants à parler à cœur ouvert ”, a exhorté le coordonnateur provincial du P-DDRCS en Ituri, monsieur Willy Abibu.
C’est le gouverneur militaire de la province de l’Ituri, représenté par son vice, qui a procédé au lancement de ce dialogue. Dans son mot, le commissaire divisionnaire Benjamin Alongaboni a félicité ceux qui ont répondu présent à cette activité. “ C’est un signe de patriotisme ”, a-t-il estimé.
“ Si le message du président était relayé d’une manière objective, je ne vois pas pourquoi les autres refuseraient. Au nom de la démocratie, il ne faut pas en vouloir à ceux qui ne sont pas venus ”, a-t-il dit, parlant de ceux qui ont boycotté cette activité.
Malgré la persistance de l’insécurité dans la province, l’autorité provinciale a rassuré que : “ personne ne fera partir personne de là où elle est ”, avant d’exhorter les membres de la communauté Hema de “ dépasser cette auto victimisation en outrance ”. Il a rappelé que c’est toujours à la recherche de la paix, que récemment, une dizaine de militaires ont été tués sur la RN 27, en territoire de Djugu par des miliciens armés.
Abordant l’aspect des différents crimes internationaux commis en Ituri, le patron de l’état de siège à titre intérimaire a rappelé que ces crimes sont imprescriptibles.
“ Les crimes de guerre, de génocide, etc. sont des infractions qui sont imprescriptibles. Tous ces actes sont documentés. Les auteurs vont répondre de leurs actes, qui que vous soyez ”, a-t-il souligné tout en rappelant aux participants à adopter la sérénité durant ces travaux.
Un dialogue contesté ?
Quelques jours après l’annonce de la tenue de ce dialogue intracommunautaire ENTE, plusieurs voix s’étaient levées pour appeler à son boycott.
« Pas de Dialogue intracommunautaire pour voler l’argent avec le nom de Hema », pouvait-on lire, parmi une série de messages, véhiculée sur les réseaux sociaux par un groupe de personnes.
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Des contestations qui ont poussé, à moins de deux semaines de l’organisation de cette activité, plusieurs commentaires dans l’opinion publique iturienne.
La date du 13 mars n’a plus été respectée. Le jour a été reporté au 21 mars. Malgré cette nouvelle date, des appels au boycott se sont multipliés.
“ Étant intimement liés à nos autorités coutumières, nous avons résolu de ne pas participer au dit dialogue tant que celles-ci (autorités coutumières et autres membres de la communauté Hema en détention à l’auditorat militaire : NDLR) demeurent encore détenues à l’auditorat militaire ”, peut-on lire dans un mémorandum de refus de participation de ce dialogue, signé par environ 10 notables Hema et autres membres invités pour la circonstance.
Pourtant, à l’issue de cette activité de 4 jours, une feuille de route doit être élaborée pour la relance communautaire. « Quid de la finale de ce dialogue intracommunautaire sur fond de divergences ?» s’interrogent certains observateurs indépendants.
David Ramazani