Ces dernières semaines, le trafic sur l’axe routier Bunia-Tchomia en province de l’Ituri est devenu de plus en plus fluide. Une grande partie de ce tronçon, voire la quasi-totalité est déjà réhabilité, à la satisfaction générale des usagers. Mais à la porte d’entrée de Kasenyi, c’est un véritable calvaire qui fait disparaître le sourire aux lèvres. En engloutissant la route, un « mini-lac » saisonnier qui refait surface, entrave le trafic.
Satisfaction et colère
“ Nous sommes satisfaits de la réhabilitation de cette route. Même si elle n’est pas encore asphaltée, elle est plus ou moins bonne ”, se réjouit Junior, un jeune moto-taximan en provenance de la ville de Bunia. “ Chaque jour, je fais autant de courses que je voudrais faire ”, renseigne-t-il.
“ Avant, j’avais trop mal au dos et à la hanche suite au délabrement de la route ”, se rappelle Baraka, un autre conducteur de moto, spécialisé dans le transport de poissons. “ Mais aujourd’hui, il y a un peu de changement positif ”, dit-il, tout en espérant un jour voir ce tronçon très capital pour la province être asphalté.
Au-delà de la satisfaction, la colère s’installe aussi. A Kisenge, une zone se trouvant à environ 2 kilomètres du centre de Kasenyi, entité du secteur de Bahema Sud dans le territoire d’Irumu, les choses se compliquent davantage. Les 200 à 300 mètres de la route engloutis par les eaux de la rivière pendant cette saison pluvieuse, font oublier aux conducteurs de motos et de véhicules la fluidité du trafic routier Bunia-Tchomia.
“ Voyez-vous ? Je viens de payer 2000 FC pour que je sois transportée sur le dos par ce jeune homme ” regrette Neema, une jeune étudiante qui ne voulait pas être mouillée en traversant dans ces eaux. De part et d’autre de cet endroit, tous les taximen, ou presque, sont contraints de chercher des mains d’œuvres locales pour faire traverser leurs engins roulants. “ Tout seul, tu ne sauras pas. Il faut nécessairement se faire appuyer par ces jeunes gens du milieu ”, indique Baraka. “ Si tu ne le fais pas, tu risques d’y rester avec ta moto ”, ajoute Rachid, un autre taximan.
Au niveau de ce petit endroit, qui paraît pour beaucoup comme un véritable calvaire, les véhicules et motos, sans oublier les personnes et leurs biens sont entravés à « souffrir ». “ Maintenant là, je ne sais pas comment avancer. Malgré les efforts, ma voiture est bloquée. Le niveau d’eau était un peu élevé ”, regrette un chauffeur, visiblement inquiet et en colère.
Une charge de trop et un gagne-pain
A cet endroit, il faut débourser un minimum de 2.000FC par moto. Le prix peut frôler même les 3.500 FC selon la quantité des marchandises transportées. Les véhicules aussi ne sont pas épargnés par cette taxation fixée unilatéralement par des jeunes du milieu.
“ C’est une charge de trop ”, regrette un taximan qui dit ne pas avoir “ d’autre choix que celui de payer ”. “ Au niveau de chaque barrière, il faut payer des militaires placés pourtant pour assurer notre sécurité. Si tu ne leur donnes pas l’argent demandé, sincèrement je t’assure que tu ne passeras pas ”, s’inquiète Rachid lors d’un échange avec buniaactualite.cd, vendredi 20 octobre 2023. “ Finalement, qu’est-ce que nous allons gagner s’il faut payer les militaires et les jeunes qui doivent nous aider à traverser ?”, s’interroge-t-il.
Vraisemblablement, les conducteurs des engins roulants et leurs clients ne sont pas trop « satisfaisants » de cette situation. “ Que font exactement les autorités pour nous soulager de ce calvaire ? ”, a laissé entendre un autre taximan moto, qui n’a pas voulu décliner son identité.
“ Le malheur des uns fait le bonheur des autres ”, dit-on. Une trentaine de jeunes du milieu se sont mobilisés pour non seulement aider les usagers de ce tronçon, mais aussi et surtout se faire de l’argent. Des petits enfants, âgés de moins de 10 ans sont également sur la liste. “ Personne ne m’a envoyé. Si je suis ici, c’est pour gagner un peu d’argent. C’est ce que mes amis aussi font ”, a déclaré Exaucé, du haut de ses 8 ans.
“ Si mon équipe fait passer par exemple 20 motos, faites vous-mêmes le calcul ”, a dit Nathan, un jeune âgé d’une dizaine d’années, répondant à la question de savoir combien gagne-t-il par jour. Aucun parmi ces « jeunes volontaires et profiteurs » n’a voulu dire exactement combien il gagne par jour. Cependant, au regard du trafic très mouvementé sur cet axe routier, il y a lieu de comprendre le reste.
Toutes nos tentatives pour entrer en contact avec le chef du secteur de Bahema Sud n’ont pas abouti. Par ailleurs, il y a lieu de noter que toutes les anciennes initiatives pour tenter de stopper la progression des eaux des pluies pendant la saison pluvieuse n’ont pas encore totalement réussi. Le calvaire des usagers de ce tronçon est donc loin de se terminer « bientôt ».
David Ramazani