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    La CODECO, la milice armée la plus meurtrière de la province de l’Ituri depuis 2017, vient de signer un nouveau carnage dans le territoire de Djugu. Plusieurs dizaines de civils ont été tués et d’importants dégâts matériels, le vendredi 14 avril 2023, dans plusieurs agglomérations du secteur de Banyali-Kilo. Un carnage qui suscite la consternation de la classe sociopolitique iturienne.

    Du bilan controversé

    Il y a eu des morts, des blessés et d’importants dégâts matériels, dont l’incendie et le pillage des maisons dans ces attaques ayant ciblé une dizaine d’entités du secteur de Banyali-Kilo, en territoire de Djugu. 2 structures sanitaires de la place n’ont pas également été épargnées par ces hommes armés.

    Selon les sources abordées par la radio onusienne, au moins soixante-deux morts ont été enregistrés, lors de cette série d’attaques menée par la milice CODECO. A cela s’ajoutent 23 blessés et plus de 150 maisons et boutiques non seulement incendiées mais aussi pillées. Kilo-Etat et Matete, sont les deux principales agglomérations ayant enregistré d’importants dégâts.

    A en croire la même source, parmi les 62 morts, l’on dénombre quatorze éléments de la milice CODECO, tués par les Forces armées de la République Démocratique du Congo (FARDC), venus limités les dégâts.

    D’autres sources dans la zone parlent plutôt de 45 civils sauvagement massacrés, dont essentiellement des femmes, enfants et vieillards. Des « personnes qui n’ont pas eu le temps et l’opportunité de fuir », explique un leader d’opinion.

    « La situation sécuritaire dans le secteur de Banyali-Kilo est très catastrophique. 200 maisons de petite commerce, 150 maisons d’habitation, le poste de santé de Bandebusi à Kilo-Etat incendiés et le centre de santé de référence de Kilo vendalisé », a déploré le docteur Victor Tungulo, président national de la communauté Akongo, réunissant les Nyali.

    Quoi qu’il en soit, plus de quarante civils ont été massacrés et une vingtaine d’autres grièvement blessés. Ces attaques simultanées ont occasionné, comme toujours, une nouvelle vague de déplacement massif de la population locale vers des zones supposées « sécurisées ».

    La consternation généralisée

    Face à la tuerie des civiles dans le territoire de Djugu, le député national Gratien Iracan appelle la population Iturienne de prier ce dimanche 16 avril pour les victimes.

    « Je suis entrain de présenter mes condoléances et demandé à tous les peuples ituriens, la ville de Bunia, le territoire de Mambasa, Irumu, Djugu, Mahagi, Aru, demain c’est le dimanche, tous allons à l’église pour laisser le sort de l’Ituri entre les mains de Dieu », a indiqué cet élu de la circonscription électorale de la ville de Bunia, dans une vidéo largement partagée sur les réseaux sociaux, le samedi 15 avril.

    Le président de la société civile du secteur de Banyali-Kilo indigné de ce qu’il qualifie de « massacre », déplore la mort des personnes de troisième âge, des enfants et de quelques fous sur place à Kilo.

    « Ce sont les enfants, les personnes de troisième âge et quelques fous qui ont été plus la cible de ces miliciens CODECO », regrette Basiloko Toko Jean Robert.

    De son côté, Christian Utheki, un leader d’opinion veut voir les forces armées de la République Démocratique du Congo devenir « très farouches » contre ces hommes armés.

    « J’ai toujours dit qu’il n’y a pas lieu à dorloter tout porteur illégal d’arme. Cette personne là ne doit pas être traitée avec délicatesse et l’armée doit utiliser la force pour réduire en silence tous ces miliciens », suggère-t-il.

    La notabilité de la chefferie de Bahema Banywagi, entité du territoire de Djugu pense aussi que l’option militaire devrait être priorisée. Mais au-delà de ça, ces miliciens doivent prendre conscience.

    « La frappe est l’une des solutions mais comme un ambassadeur de paix, j’ai toujours dit que l’option militaire seule ne suffirait pas pour terminer un conflit armé. C’est pourquoi, je demande à nos frères qui ont pris les armes à revenir à la raison », a dit le pasteur James Byensi.

    Pour Utheki, la réponse proportionnelle au problème sécuritaire que fait face la province de l’Ituri peine à donner une solution « attendue ».

    « Aujourd’hui, on est entrain de chercher à privilégier le dialogue, c’est bon mais on va dialoguer autour de quoi ? C’est là où nous disons qu’il y a un sérieux problème de contextualisation des problèmes en Ituri », a conclu ce notable Alur.

    L’initiateur de l’association sans but lucratif « Le Rebâtisseur » pense également que le dialogue intercommunautaire n’apportera pas la solution tant que ces détenteurs illégaux d’armes ne vont pas désarmer leurs cœurs et tant que les responsables de ces crimes ne seront pas arrêtés.

    « Le conflit ici est un fonds de commerce. Le sang des ituriens est en train d’être vendus pour des causes d’enrichissement illicite des milliers de gens », regrette le pasteur Byensi.

    De son côté, le G5A, structure réunissant des communautés se réclamant des victimes des atrocités des groupes armés dans les territoires de Djugu et d’Irumu se remet à l’Etat et pense que la justice continue à documenter ces hostilités de la CODECO.

    « Cette boucherie ça dégoûte. La province de l’Ituri est sous état de siège. L’essentiel, il y a une plainte en charge de certains leaders de la CODECO. Nous sommes convaincus qu’un jour la justice sera rendue pour le compte des communautés victimes », a souligné Victor Ngona, porte-parole de cette association communautaire.

    Face à tout cela, le député Gratien Iracan appelle toute la population iturienne à descendre dans la rue ce lundi, une façon d’exprimer son mécontentement par rapport à la poursuite de l’insécurité.

    « Le lundi 17 avril, tous dans la rue, manifestons en mémoire de nos frères et sœurs », a lancé ce haut représentant de Moïse Katumbi dans la Grande Orientale, estimant que le « droit s’arrache ».

    L’assurance et la mise en garde de l’armée

    L’intervention des éléments des Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) a limité les dégâts lors de cette série d’attaques de la CODECO dans plusieurs agglomérations de Banyali-Kilo.

    « L’armée a réussi à repousser ces assaillants mais en retard malheureusement, car les boutiques et des dépôts étaient déjà partis en fumée », a indiqué Basiloko Toko Jean-Robert, de la société civile de Banyali-Kilo.

    L’armée, à travers sa bouche autorisée, affirme que les militaires poursuivent l’ennemi et reste peu de temps pour ceux qui continuent à persister dans le mal.

    « Pour le moment, les Forces armées de la République démocratique du Congo sont dans les opérations de poursuite de ces miliciens et le commandant secteur opérationnel est descendu sur terrain », a dit le lieutenant Jules Ngongo, porte-parole des opérations militaires en Ituri.

    Parlant au nom du commandant des opérations militaires en Ituri et étant le porte-parole de l’état de siège, le lieutenant Ngongo a été fermé.

    « Au nom du gouverneur militaire, nous appelons la population au calme et à faire confiance aux FARDC. Il reste peu de temps pour ceux-là qui continuent à persister dans le mal, de s’entretuer, à attaquer la population. Ils auront leurs yeux pour pleurer », a-t-il souligné.

    Dans l’entre temps, dans les villages attaqués, c’est une psychose généralisée qui continue à régner. Des habitants ont toujours peur d’une éventuelle attaque. Des localités se sont vidées.

    Ce carnage n’est pas le premier de ce genre mené par la milice CODECO dans le territoire de Djugu. De nombreux autres civils sont tués, depuis 2017, quasiment de la même manière.

    Joseph Berocan et Mathieu Vatsos

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