Il y a quasiment deux semaines, une petite séquence vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux en Ituri, a fait rebondir la question de « l’existence ou pas » d’une milice d’autodéfense en gestation dans le territoire de Mahagi, qui est d’ailleurs touché par l’activisme de la milice CODECO ces dernières années.
L’enquête de buniaactualite.cd renseigne que cette « vidéo » est authentique. Elle a effectivement été tournée en territoire de Mahagi. Il s’agissait d’une manifestation spontanée des jeunes après la libération d’un autre jeune du coin, arrêté quelques mois plutôt par les services de sécurité. Il serait accusé d’être l’instigateur d’un petit groupe de « jeunes révoltés ».
“ Ça c’est notre centre d’Awu, ici il pleut mais les gens sont nombreux pour accueillir le chef qui a été arrêté. La joie est immense. Voilà le centre où les CODECO ont tué, et maintenant les jeunes ont jugé bon de défendre eux même ce centre … ”, pouvait-on entendre dans cette vidéo amateur dans laquelle ils « chantaient » tout en manifestant leur joie.
Suite à la multiplicité des attaques de la milice CODECO dans cette partie du territoire de Mahagi, les jeunes de ce centre se seraient organisés pour « se protéger » contre toute attaque rebelle. Dans la même séquence vidéo de près de 3 minutes, l’on pouvait facilement apercevoir certains parmi les manifestants brandir des armes du type AK-47.
A ce sujet, nous avons contacté plusieurs sources locales pour essayer d’en savoir davantage.
Pour la société civile territoriale, la création d’aucune milice ne sera « tolérée » dans cette région. Le coordonnateur de ces forces vives n’a pas, cependant, affirmé l’existence d’un groupe armé local en gestation.
“ Nous sommes en train de vérifier. Nous ne pouvons plus jamais accepter des choses des milices dans notre territoire ”, a indiqué Innocent Wabekudu.
Le chef de la chefferie de Panduru, où se trouve le centre de Awu, zone dans laquelle la vidéo a été tournée, semble reconnaître un regroupement de jeunes, organisé pour se défendre. Mais il n’a pas reconnu l’existence d’une milice d’autodéfense dans son entité.
“ Des jeunes gens qui se sont organisés à leur niveau compte-tenu de la situation qu’a traversé le centre de à Awu. Ils sont entrés en ligne avec des jeunes d’autodéfense de la région minière ( Zaïre). Dire qu’il y a un groupe armé en gestation du côté de chez nous, ça il n’y en a pas ”, a indiqué le chef Arnold Lokwa Uketh-wengu .
En janvier 2022, l’administrateur militaire du territoire de Mahagi avait alerté sur la gestation d’une nouvelle milice d’autodéfense en gestation dans la même chefferie de Panduru. Un groupe qui aurait comme objectif de « défendre les membres de la communauté Alur contre les groupes armés qui opèrent dans cette partie ».
“ Nous appelons toutes les couches sociales à la vigilance et à ne pas adhérer dans ce mouvement insurrectionnel qui ne nous apportera rien pour le développement de notre territoire ainsi que la province de l’Ituri ”, avait déclaré, le 30 janvier 2022, le colonel Disanoa Lalua Jacques.
Contacté ce jeudi 1 décembre 2022, soit près de 11 mois après, cette autorité territoriale de l’administration militaire a indiqué qu’il y a eu des « évolutions positives ». Selon ce patron de l’état de siège à Mahagi, la situation est sous contrôle des services de sécurité. Il précise qu’il n’y a plus actuellement une milice d’autodéfense dans la zone, mais une simple dissidence d’un groupe de bandits armés.
“ Ce n’est pas quelque chose en gestation. Vous vous souvenez quand j’avais dénoncé une milice en gestation à Simbi, j’avais étouffé ça. Ce sont des dissidents de ces petits bandits, soient disant autodéfense. On est entrain de les étouffer, on cherche à positionner des militaires dans ces contrées. Il ne faut que faire souffrir la population, raconner la population. Tout est calme, il y a l’accalmie. Les esprits se sont calmés ”, a-t-il souligné.
Milice d’autodéfense ou pas, le vice ministre national des affaires étrangères, Samy Adubango Awoto, étant également un notable de Mahagi, a fermement condamné « toute initiative » de création d’un groupe armé. Il invite plutôt les communautés de ce territoire à se « désolidariser » de ces jeunes qui veulent perturber la quiétude de la population. “ La population de Mahagi doit se désolidariser de ces fils égarés ”, a-t-il insisté.
Quoi qu’il en soit, il y a lieu de dire que depuis le début des atrocités en Ituri, il y a près de 5 ans, les territoires de Djugu et de Mahagi ont été les plus touchés par l’activisme de la milice CODECO. Depuis lors, la milice Zaïre dite d’autodéfense a fait son apparition en territoire de Djugu, avec comme objectif de se « défendre » contre les attaques répétitives des assaillants de la CODECO.
David Ramazani