L’Ituri, province située dans le nord-est de la République démocratique du Congo, traverse une période difficile ces dernières années marquée par l’insécurité quasi permanente, entraînant les déplacements massifs de populations. En 2024, aucun site de déplacés se trouvant à Bunia, capitale provinciale, n’a pu fermer.
Bunia, un refuge sûr ?
La ville de Bunia, capitale provinciale, accueille de nombreux déplacés qui cherchent refuge après avoir fui les violences dans la profondeur de l’Ituri. C’est depuis 2017 qu’une première vague de ces personnes a rejoint la ville de Bunia, fouillant principalement les atrocités des assaillants, baptisés quelques mois plus tard milice de la coopérative pour le développement du Congo (CODECO). Chaque année ou presque, le nombre de ces déplacés augmente dans la ville.
Au début, ces vulnérables étaient éparpillés dans l’enceinte de l’hôpital général de référence de Bunia, avant d’être installés juste derrière le laboratoire du même hôpital. Un site qui a été fermé, car des déplacés envoyés soit au site de l’Isp Bunia, ou soit à celui de Kigonze. Plus les années passent, plus les atrocités se multiplient, et plus leur nombre s’est enflammé.
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De 2017 à 2024, Bunia est passé d’un seul site à environ 5, s’il faut prendre en compte celui de Tsere. Il s’agit entre autres des sites de Kingoze, de l’ISP, un autre se trouvant près de l’aéroport Murongo de Bunia et de celui du quartier Bembeyi.
Ça fait des milliers de personnes entassées dans des sites, parfois dans des conditions peu humaines. Les aides humanitaires deviennent quasiment rares, pour ne pas dire inexistantes. Les conditions de vie sont toujours précaires. Fin 2024, une nouvelle vague a rejoint des sites de Bunia, selon des informations parvenues à buniaactualite.cd.
Si certains vivent dans des sites, d’autres déplacés sont dans des familles d’accueil. Ils sont également des milliers à y être, bouleversant la vie normale de ces familles. Mais une chose est sûre : Bunia est un endroit sûr pour ces déplacés, loin des atrocités des miliciens, très cruels, qui tuent, pillent, volent, violent,…
Déplacement, encore et toujours ?
Depuis plusieurs années, l’Ituri est en proie à des violences armées et des incursions de groupes armés, notamment les milices CODECO (coopérative pour le développement du Congo) et les ADF (Forces démocratiques alliées). Ces deux groupes sont les plus meurtriers. Il faut ajouter sur leur liste, le groupe armé Zaïre, les multiples groupes Maï-Maï et autres.
Ces violences ont contraint des centaines de milliers de personnes à quitter leurs foyers pour chercher une protection dans la ville de Bunia et ses environs. Malgré les efforts humanitaires, la situation reste critique et les conditions de vie dans ces sites sont souvent précaires.
En 2024, bien que l’état de siège, instauré depuis mai 2021, ait permis un renforcement du dispositif sécuritaire dans des entités de l’Ituri, la situation est encore volatile. S’il faut croire aux structures citoyennes, dont la coordination de la société civile de l’Ituri, dans sa récente sortie médiatique
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Cet état de siège a été mis en place pour lutter contre les groupes armés, mais les déplacements internes continuent, et la population de Bunia, déjà vulnérable, ne semble pas voir la fin de cette crise imminente. Aucun site de déplacés à Bunia n’a fermé.
De la parole à l’acte ?
Les animateurs de l’état de siège en Ituri n’ont jamais caché leur volonté de voir des sites de déplacés fermés. D’ailleurs, pour preuve, dans certaines entités du territoire d’Irumu, par exemple, des citoyens congolais ont été exhortés à regagner leurs villages. Certains l’ont fait.
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Cependant, face à la persistance de la situation sécuritaire, ces fermetures sont aujourd’hui hypothétiques dans la ville de Bunia.
L’absence de paix durable dans les zones rurales et les attaques récurrentes des groupes armés rendent cette décision difficile et irréalisable à court terme.
La fermeture de ces sites, souvent présentée comme un objectif, est un indicateur de la volonté de revenir à une normalité dans les régions touchées. Mais la situation humanitaire et la sécurité sur le terrain imposent une réalité différente. Les déplacés continuent de vivre dans des camps souvent surpeuplés, avec un accès limité à l’eau potable, aux soins médicaux et à d’autres services de base. Récemment à la presse, de nombreux cas de décès ont été communiqués durant l’année 2024 sur les sites de l’Isp ou encore de Kingoze.
Les organisations humanitaires, bien que présentes, se retrouvent confrontées à un défi logistique majeur. Outre l’Ituri, le Nord-Kivu a besoin aussi d’assistance. Avec la guerre du M23, le besoin humanitaire devient très élevé.
La mobilisation des ressources pose aussi problème, d’autres priorités mondiales s’invitent, notamment la situation de déplacés en Ukraine, à Gaza, au Soudan ….
La fermeture des sites de déplacés semble peu probable tant que des solutions durables en matière de sécurité et de réinsertion des déplacés ne sont pas trouvées.
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La fermeture des sites de déplacés ne pourra intervenir que lorsque la situation sécuritaire en Ituri sera suffisamment stabilisée pour permettre aux populations de revenir en toute sécurité dans leurs zones d’origine. C’est d’ailleurs le souhait du lieutenant-général Luboya N’kashama Johnny, gouverneur militaire de l’Ituri depuis plus de 3 ans.
Cependant, cela nécessite non seulement une diminution significative des violences armées, mais aussi des programmes de réconciliation et de développement sur le long terme.
Il est plus que nécessaire que l’administration gouvernementale puisse intensifier les efforts pour créer un environnement sécuritaire et offrir des opportunités de reconstruction. L’accent doit être mis sur la réintégration des déplacés dans leurs communautés, mais aussi sur la mise en place de mécanismes de prévention des conflits pour éviter une nouvelle crise.
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Pour beaucoup parmi ces déplacés, dans un échange avec notre rédaction, ils espèrent un retour à la vie normale. Repartir au champs, vivre au village natal… Pour certains, l’idée de retourner au village est à écarter : Bunia est devenue leur nouvelle entité.
David Ramazani