Les relations entre l’Assemblée provinciale de l’Ituri et le gouverneur militaire de cette province sous état de siège ne sont toujours pas au bon fixe. Pour la pacification de l’Ituri, Luboya s’interroge : que font les députés ? Une interrogation qui a suscité la réplique de Jakwong’a : il ne doit pas prendre les élus pour ses boucs émissaires.
Jeudi 16 janvier 2025, le lieutenant général Luboya N’kashama Johnny, était l’invité de la radio onusienne, dans une exclusivité.
A la question de savoir : 3 ans et demi à la tête de l’Ituri, avez-vous des regrets ? Luboya pense qu’il a fait le nécessaire pour contribuer à la pacification de l’Ituri. Il retrace la période sombre qu’a connu l’Ituri avant le début de l’état de siège.
« Des regrets, je ne sais pas, parce que si je me réfère au premier jour où j’étais ici, où l’on promenait des têtes des morts dans cette ville, où tous les habitants qui étaient ici aux environs fouillaient leurs maisons pour rentrer dans la ville ici au centre, où même ici au centre les gens se cachaient à 17 heures, où nous ne pouvions pas aller vers Komanda tranquillement, on ne pouvait pas emprunter la RN 27, où on faisait deux semaines pour arriver à Mongbwalu,… Je ne sais pas si je dois regretter cela ? ».
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Un bilan élogieux de l’état de siège pour Luboya, mais estimé de négatif pour Jakwong’a.
« Tout le monde connaît aujourd’hui le bilan de l’état de siège, pendant ses 4 ans de gestion. C’est entre autres tous ces camps de déplacés que nous voyons ça et là, le bilan c’est aussi le nombre de morts qu’on a enregistré sous l’état de siège, et tous ces villages abandonnés, vidés, à la merci de groupes armés », fait observer le président de l’Assemblée provinciale de l’Ituri.
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Néanmoins, reconnaît Luboya, il reste encore des choses à faire. Pour lui, les politiciens, spécifiquement les députés, ont aussi une grande responsabilité. Ce qui pousse même le patron de l’état de siège en Ituri de s’interroger sur le véritable rôle de ces élus du peuple.
« Je suis tout à fait conscient. Il y a des choses aussi aux ituriens, non seulement aux populations, mais surtout aussi à ces politiciens qui continuent à manipuler, il appartient aussi aux députés qui doivent parler à leurs élus, qu’ils parlent avec leurs élus qu’il ait la paix, la réconciliation et le pardon. A quoi ils servent les députés ? Ils ne peuvent pas parler de la réconciliation des populations ? », s’interroge-t-il.
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Face à la question de savoir à quand le retour de déplacés dans leurs villages ? Des déplacés qui sont plus d’un million à vivre dans des sites à travers l’Ituri. Voici la réponse réservée par Luboya :
« Ces déplacés-là, ce sont des ituriens. C’est là où je me demande : que font les politiciens ? Que font aussi les députés et autres là-bas ? Parce qu’il s’agit de la réconciliation, les ituriens qui sont en train de s’entretuer. Je suis en train de faire mon travail, malgré les moyens que j’ai, j’essaie de faire de mon mieux, ensemble avec la Monusco », a-t-il indiqué avant de remercier la Monusco pour son accompagnement.
« La Monusco renforce les capacités de nos militaires sur le plan opérationnel, nous formons des commandos, il en faut encore davantage, …. Je demande à la Monusco de continuer à nous aider dans la formation… », a plaidé Luboya devant le micro de la radio onusienne en RDC.
Divergence d’opinion
« Nous avons suivi la sortie médiatique du gouverneur Luboya sur Radio Okapi, où il engage la responsabilité des élus du peuple dans la pacification de l’Ituri. Toutefois, laissez-moi vous rappeler que les députés constituent ce que nous appelons le pouvoir législatif, tandis que le gouverneur lui est de l’exécutif », note Samy Jakwong’a.
Pour ce président de l’Assemblée provinciale de l’Ituri, « les élus provinciaux avaient déjà exprimé leur volonté d’accompagner le gouvernement dans la recherche d’une paix durable, mais aussi à la réconciliation entre les ituriens. Toutefois, nous avons senti une méfiance de la part du gouverneur, et visiblement il n’était pas content de voir notre bureau prendre le devant dans la recherche de la paix », fait-il remarquer.
« Nous pensons que le gouverneur Luboya ne doit pas prendre les élus pour ses boucs émissaires…. », insiste Jakwong’a avant de rappeler le blocage dont ils font quotidiennement face.
Avant de s’interroger :
« Comment doit-on accompagner quelqu’un qui refuse même de recevoir les députés qui veulent lui présenter la situation sécuritaire de leurs circonscriptions, quelqu’un qui n’écoute personne ?…. »
Samy Jakwong’a pense que Luboya, en sa qualité aussi du commandant des opérations en Ituri doit tout simplement s’assumer.
« Il doit assumer surtout le bilan de sa gestion en tant que commandant des opérations en Ituri…. Il n’appartient pas aux élus de ramener les déplacés dans leurs villages respectifs, les députés sont là pour accompagner le gouvernement dans toute ses initiatives pouvant amener à la paix, mais nous insistons sur le fait que le gouvernement devrait plutôt se pencher sur la restauration de l’autorité de l’Etat dans toutes ces entités qui sont aujourd’hui occupés par les groupes armés en fin d’espérer à une paix durable dans notre province », a-t-il conclu.
Du 12 au 18 septembre 2024, le bureau de l’Assemblée provinciale de l’Ituri a organisé une séance de consultation des couches sociales de l’Ituri, dans l’objectif de la pacification. Une initiative, selon elle, bloquée par l’administration provinciale sous état de siège en Ituri, a appris buniaactualite.cd
L’Ituri et le Nord-Kivu, deux provinces se trouvant dans la partie Est de la République démocratique du Congo sont placées sous état de siège depuis plus de 3 ans. En principe, les assemblées provinciales et les gouvernements provinciaux sont en veilleuses pendant cette administration spéciale.
Dans la pratique, depuis les dernières élections en RDC, une brèche partielle a été ouverte pour le fonctionnement des Assemblées provinciales, mais dans des contextes quasiment sombres. Les mesures d’assouplissement de l’état de siège promises par Tshisekedi peine à être prises.
Rédaction