Le déploiement des troupes des Forces de défense du peuple ougandais (UPDF) suscite des réactions controversées, surtout depuis leur entrée à Fataki, entité du territoire de Djugu, en province de l’Ituri, dans le Nord-Est de la République démocratique du Congo (RDC). S’agit-il d’une bénédiction ou d’une malédiction ? Les avis restent contrastés.
Malédiction ?
Alors que certains dans l’opinion publique saluent leur contribution à la lutte contre les groupes armés, d’autres expriment des inquiétudes quant à leur présence et leur mode opératoire dans le territoire de Djugu.
Certains acteurs politiques de l’Ituri, notamment proches des animateurs de l’état de siège dans cette province, ont inondé de messages les réseaux sociaux et des radios locales allant dans le sens d’exprimer leurs craintes et inquiétudes face à l’entrée de l’armée ougandaise à Fataki. « Comme une malédiction, les actions de cette armée étrangère ainsi que les dires de son chef d’état-major sont de nature à replonger l’Ituri dans une guerre interethnique », ont-ils fait remarquer dans des communications interceptées par buniaactulaite.cd.
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L’association culturelle Lori, structure regroupant le peuple Lendu/Bbale, a clairement exprimé son opposition dès le début de ce déploiement à Fataki. Pour elle, cette présence dans la région contribue au génocide de ses membres.
Dans sa première communication, Lori avait insisté sur la clarification de la nature de l’accord entre Kinshasa et Kampala, pour ce qui concerne la présence de l’armée ougandaise à Fataki.
Installées dans la région de Fataki, les troupes ougandaises ont été attaquées à plusieurs reprises par des éléments du groupe armé de la CODECO. Des pertes ont été enregistrées de part et d’autre. L’armée ougandaise a même reconnu avoir perdu l’un de ses colonels. L’UPDF a aussi annoncé avoir tué plus de 200 miliciens de la CODECO, un bilan qui reste aussi controversé.
À son arrivée à Bunia, chef-lieu de la province de l’Ituri, le lieutenant-général Jacques Nduru Ychaligonza a tenu à clarifier les missions de l’UPDF en Ituri. L’élargissement des opérations conjointes FARDC-UPDF à travers l’Ituri, après l’étape d’Irumu. Cette haute personnalité des FARDC a été claire : tous les groupes armés de l’Ituri sont des criminels, et seront frappés.
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Une position renforcée par Muhindo Nzangi, membre du gouvernement congolais, lors de son passage à Bunia après une réunion conjointe avec l’équipe ougandaise. Il a même lancé un avertissement aux groupes armés de l’Ituri, leur demandant de rejoindre le P-DDRCS.
Vendredi 28 mars 2025, à l’issue d’un échange avec le lieutenant-général Jacques Nduru Ychaligonza, l’association culturelle Lori a martelé sa position initiale. Elle a manifestement exprimé sa ferme opposition contre les opérations conjointes FARDC-UPDF contre la milice de la CODECO, un groupe armé dont les membres sont majoritairement de la communauté Lendu. Pour Lori, l’option du dialogue est à privilégier. Son vice-président, René Chelo, est allé même plus loin en sollicitant un cessez-le-feu immédiat.
Une bénédiction ?
Certains analystes et acteurs politiques ont salué l’entrée de l’armée ougandaise à Fataki, dans le territoire de Djugu. Considérée comme une bénédiction, ils estiment que ça pourrait permettre de contribuer à la restauration de la paix, dans une zone endeuillée depuis 2017 par des groupes armés, dont principalement la CODECO.
Contrairement à Lori, l’association culturelle ENTE regroupant le peuple Hema a salué dès le début cette entrée. Dans toutes ses communications, elle ne cesse d’encourager l’État congolais à poursuivre cette collaboration avec l’Ouganda, dans la coalition FARDC-UPDF.
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Le président de l’association culturelle ENTE, Jean-Claude Ngadjole, estime que cette intervention militaire de la coalition FARDC-UPDF est une des meilleures options pour éradiquer l’insécurité dans la région de Djugu, alimentée principalement par la milice de la CODECO. Interrogée quelques jours plus tôt sur le groupe armé Zaïre, ENTE a décliné tout lien entre sa communauté et ce mouvement armé.
Dimanche 30 mars, la population de Bule, l’une des importantes entités du territoire de Djugu, a accueilli avec faste des troupes ougandaises dans la région. Dans cette région, plus de 10 mille déplacés vivent, parfois menacés par de nombreuses attaques des miliciens de la CODECO.
La société civile locale a même plaidé pour l’intensification du déploiement de l’armée ougandaise dans toutes les zones sous menace des groupes armés. l’UPDF accueilli chaleureusement, signe de manifestation de joie et de bénédictions pour des habitants de Bule, qui croient à l’éradication des miliciens de la CODECO.
Quel avenir pour L’UPDF en Ituri ?
L’arrivée de l’UPDF en Ituri, en novembre 2021, s’inscrit dans le cadre d’une opération conjointe avec l’armée congolaise (FARDC) visant à traquer les Forces démocratiques alliées (ADF), un groupe rebelle responsable de massacres et d’exactions dans la région. Avec la prise de Goma et de Bukavu par l’armée rwandaise et ses supplétifs du M23, l’Ouganda a étendu sa zone d’intervention dans plusieurs coins de la RDC.
Sur le plan militaire, l’UPDF a enregistré des succès significatifs. Des camps ADF ont été démantelés, des combattants neutralisés et des otages libérés. Ces résultats ont contribué à réduire l’intensité des attaques et à rétablir un certain sentiment de sécurité dans certaines zones. Cependant, jusqu’à aujourd’hui, le mouvement terroriste ADF demeure toujours en activité, surtout dans la région d’Irumu où il est à la base de l’insécurité quasi permanente.
Au-delà de la lutte contre les ADF, la présence de l’UPDF en Ituri soulève des questions économiques et géopolitiques. Certains observateurs craignent que la présence militaire ne serve à protéger des intérêts de l’Ouganda en RDC plutôt qu’à assurer la sécurité des populations et à combattre les groupes armés.
Quoi qu’il en soit, comme il s’agit d’une coopération entre deux États souverains, Kinshasa et Kampala pourraient redéfinir, en cas de besoin, la nature de leur coopération dans les jours à venir.
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À l’heure actuelle, l’armée ougandaise est déployée à Irumu, Bunia, Mahagi et, récemment, à Djugu. Des entités de la province de l’Ituri. Au Nord-Kivu, elle est présente dans la région de Lubero. L’annonce de son retrait a été à la base de manifestations de la population, réclamant sa présence continue.
Rédaction