En République démocratique du Congo, de nombreuses femmes peinent à réaliser leurs aspirations professionnelles après le mariage. Cependant, certaines font preuve d’une résilience remarquable en se tournant vers l’entrepreneuriat pour gagner leur autonomie. C’est le cas de Jessica Kamungele, une femme aux multiples talents, fondatrice du complexe scolaire Mwira, un établissement moderne situé à Butembo, dans la province du Nord-Kivu. Buniaactualite.cd l’a abordé dans le cadre de ce mois de mars, dédié à la promotion des droits de la femme.
Mariée et mère de quatre enfants, Jessica Kamungele est la visionnaire derrière cette école qui comprend une crèche, une école maternelle et une école primaire. Elle est l’une des rares femmes à avoir lancé une telle initiative dans la région, où la plupart des écoles sont fondées par des hommes.
Jessica Kamungele a été motivée par le désir d’offrir un encadrement de qualité aux jeunes enfants, permettant ainsi aux femmes de concilier leur vie professionnelle et familiale, car beaucoup perdent leur emploi après la maternité faute de solutions de garde fiables.
« L’idée m’est venue après la naissance de mon premier enfant. J’étais employée dans une entreprise et je ne savais pas comment gérer à la fois mon travail et mon bébé. C’est ainsi qu’est née l’idée de créer une crèche. Au début, c’était juste une crèche, mais c’est devenu une école. J’ai réalisé que c’était un besoin non seulement pour moi, mais aussi pour de nombreuses autres femmes de mon âge qui rencontrent des difficultés pour faire garder leurs enfants tout en travaillant », explique-t-elle.
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Cette initiative, qui représente un moyen d’autonomisation pour Jessica Kamungele, emploie également des hommes et des femmes, mariés ou célibataires. C’est aussi un lieu où les enfants reçoivent une éducation de qualité, contribuant ainsi à l’évolution positive des comportements dans la communauté.
« J’ai une passion pour les enfants, j’admire les femmes et je crois en leur capacité à réaliser de grandes choses. Sachant que la femme est l’éducatrice de la nation, ma plus grande motivation est d’offrir une éducation de qualité aux enfants, afin qu’ils deviennent des acteurs de changement dans la société », déclare-t-elle.
Dans leur parcours entrepreneurial, les femmes sont confrontées à de nombreux défis, notamment le manque de ressources financières et les préjugés liés au genre. Cependant, la détermination est un atout essentiel pour atteindre leurs objectifs.
« Lorsque vous lancez une activité en tant que femme, certaines personnes y croient, tandis que d’autres ont du mal à l’accepter. À mes débuts, l’expérience n’a pas été facile, en raison de la culture et des mentalités locales. Faire comprendre que les femmes avaient besoin d’aide pour la garde de leurs enfants n’a pas été une mince affaire. Ce manque d’acceptation, observé dans d’autres secteurs, semble freiner les initiatives entrepreneuriales des femmes. Mais nous devons garder à l’esprit que l’entrepreneuriat est un parcours de longue haleine, avec des hauts et des bas. L’important est de croire en son rêve, car vous êtes la seule à le porter, et de travailler dur pour le concrétiser. »
Les défenseurs des droits des femmes estiment que les initiatives entrepreneuriales féminines sont une avancée positive vers l’autonomisation des femmes. Cependant, Zawadi Bisomeko, secrétaire exécutive de la Solidarité des associations féminines pour les droits de la femme et de l’enfant (SAFDF), souligne que l’entrepreneuriat féminin dans la région reste limité dans de nombreux secteurs.
« Les obstacles sont nombreux, surtout pour les femmes disposant de peu de moyens. L’accès au crédit auprès des grandes institutions est difficile en raison du manque de biens à donner en garantie, car les propriétés des couples sont souvent enregistrées au nom des hommes. De plus, dans certains foyers, lorsque le mari constate que sa femme gagne de l’argent, il a tendance à lui laisser toutes les charges du ménage, ce qui freine l’évolution des femmes », explique-t-elle.
Zawadi Bisomeko estime que l’engagement de toute la communauté est nécessaire pour favoriser l’autonomisation des femmes.
« Il faut une prise de conscience et un engagement à changer les choses, en développant toutes les dimensions de l’autonomisation, et pas seulement l’aspect économique », affirme-t-elle.
Bien que le rôle de la femme soit primordial au sein du foyer, elle a également la capacité de contribuer au développement de sa communauté. Jessica Kamungele est convaincue que le mariage n’est pas un frein à la réalisation des rêves et des ambitions des femmes.
« La femme traverse différentes saisons de sa vie, mais elle peut jouer pleinement son rôle d’épouse, de mère et de travailleuse. Il suffit d’être équilibrée, de savoir ce qui est important et à quel moment. Il est tout à fait possible de réaliser ses rêves même en étant femme au foyer, à condition de bien s’organiser et de collaborer avec son partenaire. Lorsqu’une femme apporte une solution à un problème ou à un besoin, elle est acceptée par tous. »
La femme n’est pas un être faible, comme on pourrait le croire. La Bible nous dit que Dieu a créé l’homme à son image, il a créé l’homme et la femme (Genèse :27). Cela signifie qu’il a donné des capacités à tous, mais des rôles différents. La femme n’a pas besoin de se battre contre son partenaire, mais plutôt de relever les défis. Lorsqu’une femme est dans son foyer, elle est soumise à son mari. Dans l’entreprise où elle est cheffe, il est normal qu’elle donne des ordres. »
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Elle encourage les femmes à ne pas se sous-estimer, mais à poursuivre leurs rêves. « Ne renoncez jamais à vos rêves, attendez simplement le moment idéal pour les réaliser. » En plus de son école, Jessica Kamungele mène d’autres activités génératrices de revenus. Sa détermination et son courage sont une source d’inspiration et ouvrent la voie à un avenir meilleur.
Providence Birugho