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    Depuis le début de l’année 2025, en Ituri, province sous état de siège se trouvant au Nord-Est de la République démocratique du Congo (RDC), les groupes armés ADF et CODECO ont tué plus de 160 civils. De nombreuses familles ont été endeuillées. 

    Un début d’année meurtrière : ADF et CODECO au sommet

    2025 semble démarrer, comme d’autres années depuis 2018, dans un climat de deuil en province de l’Ituri. Des civils tués, d’autres blessés et kidnappés, sans parler des dégâts matériels non négligeables.

    Parmi les principaux acteurs de cette série de tueries de civils, deux groupes armés sont au sommet. Le mouvement rebelle ADF, une rébellion d’origine ougandaise qui est active dans les territoires d’Irumu et de Mambasa, en province de l’Ituri. Du côté de la province du Nord-Kivu, c’est le territoire de Beni qui est victime, depuis de nombreuses années, de ce groupe terroriste.

    Selon des données de l’organisation non gouvernementale dénommée Convention pour le respect des droits de l’homme (CRDH), au moins 100 civils ont été tués par des rebelles ADF, uniquement dans le territoire d’Irumu.

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    Ce bilan mensuel, parvenu à buniaactualite.cd, prend en compte la période de janvier 2025 et début février. À en croire cette organisation spécialisée dans le décompte des incidents sécuritaires dans le territoire d’Irumu, la chefferie des Walesse Vonkutu est la plus menacée par l’activisme du mouvement rebelle ADF.

    Outre des civils tués, ces rebelles ADF se sont également spécialisés dans l’incendie des biens des habitants. Maisons, motos… Tout ce qui passe sous leurs yeux. Si aucune source officielle, notamment de l’administration militaire territoriale, n’a encore commenté ce bilan d’au moins 100 morts en un mois, les attaques récurrentes des rebelles ADF inquiètent la population. De nombreux habitants se voient obligés de fuir, à la recherche d’une sécurité renforcée.

    Par ailleurs, au moins 70 civils ont été tués par le groupe armé Coopérative pour le développement du Congo (CODECO), principalement dans le territoire de Djugu depuis début 2025.

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    La première victime de la CODECO en 2025 est un cultivateur. Au village de Galy, cet homme a été tué à coups de machette le 1ᵉʳ janvier, alors qu’il était en pleine activité champêtre dans la chefferie des Bahema Badjere.

    Ces attaques ont été répertoriées dans les entités suivantes : Dzadhi, Sanduku, Mbalamuno, Latchu, Gurabu… À Mayolo, le mardi 14 janvier, plusieurs civils ont été kidnappés, d’autres tués dans le secteur de Banyali-Kilo. Quelques jours plus tard, un chef de village de Bahema Nord a été pris en otage.

    Le plus grand carnage de la milice de CODECO en ce début 2025 a été enregistré dans le groupement Djaiba, une entité de la chefferie de Bahema Badjere qui a subi 3 attaques successives.

    Les victimes, essentiellement constituées de femmes, d’enfants, de cultivateurs et de déplacés, sont dénombrées à environ 70 au début de l’année 2025. Des statiques obtenues en compilant les différentes données des sociétés civiles de Djugu, des autorités locales ainsi que des organisations des droits humains.

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    De nombreuses destructions ont également été documentées, dont l’incendie des maisons, l’attaque contre des sites de déplacés… Aux côtés des dégâts humains, plusieurs personnes ont été blessées, généralement à coups de machettes. La Monusco a, grâce à son hélicoptère, évacué quelques blessés à Bunia, au chef-lieu de la province, pour des soins appropriés et pour leur sécurité.

    Zaïre : double face ?

    Au moins 600 miliciens du groupe d’autodéfense très connu sous l’appellation de Zaïre se sont engagés, le mercredi 15 janvier 2025, dans le processus de désarmement. Ce jour-là, au centre commercial de Mabanga dans le territoire de Djugu, ces combattants ont remis au moins 85 armes du type AK-47, des armes lourdes et des munitions.

    Un geste « vivement » salué par plus d’une personne, marquant une importante étape dans la pacification de l’Ituri, selon des autorités gouvernementales. Le programme de désarmement, démobilisation, relèvement communautaire et stabilisation (P-DDRCS) s’est même félicité de cette « réussite ». D’autres miliciens de ce mouvement d’autodéfense ont rejoint le processus quelques jours plus tard.

    Dans la région, Zaïre est cependant accusé de jouer à double face. Non seulement accusé par le groupe d’experts des Nations unies d’entretenir des liens étroits avec le M23, mouvement rebelle soutenu par le Rwanda. Des accusations que ce groupe armé a toujours niées.

    Il a été aussi accusé d’avoir tué, un homme le 16 janvier 2025 au village Tchulu. Puis à Buchama, le même groupe armé a tué au moins 5 personnes, selon des sources locales. De 5, le bilan était revu à la hausse : 8 morts. Près de 10 civils ont été tués par Zaïre depuis début 2025. Attaque qui aurait, selon le porte-parole de l’armée en Ituri, déclenché le massacre de civils à Djaiba.

    Efforts de l’état de siège ?

    Les animateurs de l’état de siège en Ituri, sous la conduite du lieutenant général Luboya N’kashama Johnny, mettent en œuvre, depuis l’instauration de ce régime spécial, deux approches. Approche dite militaire et non militaire. Bientôt, ce régime spécial conférant tous les pouvoirs aux militaires et policiers va totaliser 4 ans depuis son instauration en Ituri.

    L’approche non militaire a permis aux groupes armés locaux, quasiment tous, de signer des actes d’engagement unilatéraux de paix. Des engagements qui ont permis, durant un moment, de diminuer la tuerie des civils dans les territoires de Djugu et d’Irumu. Cependant, les attaques des groupes armés n’ont quasiment jamais cessé en Ituri, malgré la signature de ces actes.

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    Toujours dans l’approche non militaire, avec la complicité du P-DDRCS, le groupe d’autodéfense Zaïre a fait un grand pas dans le processus de désarmement. Des centaines de jeunes ont rejoint le processus, en déposant une centaine d’armes lourdes et légères, des munitions de guerre ainsi que des indices militaires.

    Dans sa dernière prise de parole après le massacre de civils à Djaiba par des miliciens de la CODECO, le porte-parole des opérations militaires en Ituri et communicateur du gouverneur Luboya, le lieutenant Jules Ngongo, a menacé de relancer les opérations militaires contre les groupes armés qui ne respectent pas leurs engagements de paix. Dans l’entre-temps, M. Ngongo a exhorté ces groupes armés à respecter scrupuleusement leurs engagements au processus de paix.

    Parallèlement aux actions de l’état de siège, le gouvernement congolais a signé un partenariat avec l’armée ougandaise, dans ce qui est connu comme la coalition FARDC-UPDF. Une force conjointe censée mettre fin aux rebelles ADF. Malgré des opérations menées, les rebelles ADF continuent encore de tuer des civils dans le territoire d’Irumu.

    Certains commentaires dans l’opinion publique iturienne veulent voir des opérations militaires de grande envergure être lancées pour neutraliser tous les groupes armés actifs dans la province de l’Ituri. Une province presque oubliée, selon certains, par le pouvoir central, dans la réponse contre l’insécurité. Ils prennent pour exemple la réaction de Kinshasa face à l’agression rwandaise à Goma.

    David Ramazani

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