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    Eliezer Pithua est un journaliste à la Radio Télévision Fads Mahagi, au nord-Est de la RDC dans la province de l’Ituri. Pris en otage par la milice CODECO, ce jeune a passé une nuit cauchemardesque entre la vie et la mort. Une libération dont il tenait à éclairer les zones d’ombres. 

    Une nuit, un cauchemar. Le récit de la détention de Pituwa, l’un des célèbres journalistes de Mahagi, témoigne d’un calvaire. Pour obtenir sa libération, sa rédaction a dû payer une rançon de 500 dollars américains outre les différentes démarches des autorités.

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    Recit de Pithua Eliezer

    Le jeudi 17 octobre 2024, j’ai accompagné la délégation du P-DDRCS antenne de Mahagi pour une mission de couverture médiatique à Kambala, chef-lieu de la chefferie de Walendu-Watsi. La journée fut marquée par des réunions avec le Comité local de sécurité, ainsi que des échanges avec la société civile et les leaders communautaires. Nous avions passé la nuit sur place en toute confiance.

    Le lendemain, vendredi 18 octobre, nous avons rencontré des représentants de la milice CODECO. Les discussions ont été longues, et ce n’est qu’à 16 heures que nous avons pris la route pour retourner à Mahagi. Un premier véhicule transportant des leaders communautaires nous précédait. Nous étions quatre dans notre voiture : le chef d’antenne, un policier, une dame, et moi-même.

    À environ 18 heures, alors que la pluie avait transformé les chemins en bourbiers, nous nous sommes retrouvés immobilisés dans la boue, tout près du premier véhicule. Coupés du réseau téléphonique, nous avons lutté pendant des heures pour dégager les voitures, sans succès. C’est vers 23 h que nous avions réussi à le faire. Fatigués et inquiets, nous avons pris la décision de passer la nuit à Katanga et de repartir au lever du jour.

    Ce choix, que nous pensions anodin, s’est rapidement transformé en cauchemar. Alors que nous empruntions un raccourci, une barrière rudimentaire dressée par des miliciens nous a bloqués. En un instant, nous avons été entourés et forcés de descendre de nos véhicules. La peur m’a saisi à cet instant, un frisson glacé parcourant tout mon corps. Ces hommes semblaient imprévisibles, leurs regards étaient chargés de méfiance et d’hostilité.

    Ils avaient des fusils et des armes blanches. Ils tiraient des coups de feu à l’air pour nous terroriser.

    Les heures qui suivirent furent un véritable supplice. Nous avons été fouillés, interrogés, torturés puis séparés. Malgré nos tentatives d’explication, ils ne nous croyaient pas. Je craignais pour ma vie, mais plus encore, je redoutais ce qu’ils pourraient découvrir : ma profession de journaliste. J’ai tenté de dissimuler ma carte de presse, la réduisant en morceaux pour qu’ils ne la trouvent jamais. J’étais persuadé que, s’ils apprenaient que j’étais un reporter, cela aggraverait notre situation.

    Ils nous ont transportés vers un autre camp. En leur langue, le kilendu, ils se disaient : « C’est là qu’ils vont nous exécuter. »

    L’attente interminable, les menaces implicites et explicites, l’incertitude de l’issue… tout cela m’a plongé dans un état de terreur que je n’avais jamais ressenti auparavant. J’ai prié, pleuré et prié… J’avais plus de force. Chaque minute passée dans ce camp m’éloignait un peu plus de la certitude de rentrer chez moi vivant.

    Le lendemain matin, ils ont fait appel à leur tueur qu’ils appelaient « Cobra », ce psychopathe est arrivé minue d’une longue machette très aiguë. Ils nous ont fait sortir pour ce qui ressemblait à une dernière sentence… Mais heureusement pour nous, l’un de leur colonel est arrivé et, à ce qui paraît, il recevait des appels et des pressions de partout via son téléphone. Après de longues négociations tendues et une rançon versée, nous avons finalement été libérés. Mais cette liberté avait un goût amer. En quittant ce camp, quelque chose en moi s’était brisé.

    Depuis cette expérience, ma perception de la sécurité, de mon travail et de ma vie a radicalement changé. Je ne me sens plus en paix, même en plein jour. Chaque sortie est désormais teintée d’une peur sourde. Cette peur de l’inconnu, ce sentiment que ma vie ne tient qu’à un fil, me hante. La confiance que j’avais en ce métier est en train de s’effondre.

    Ce kidnapping m’a bouleversé, non seulement dans ma chair, mais aussi dans mon esprit. Aujourd’hui, je doute de ma capacité à poursuivre ce travail avec la même passion qu’avant. Je crains pour ma sécurité, et cela affecte chaque aspect de mon quotidien.

    Je suis perdu… Je ne suis plus la même personne. Qu’ai-je fais pour mériter tout ceci ? Je n’ai aucune réponse. Mon pays, la RDC, doit changer.

    OLPA, lève la voix !

    L’Observatoire de la liberté de la presse en Afrique (OLPA) condamne avec la dernière énergie les mauvais traitements subis par ce professionnel de médias.

    OLPA condamne les actes de torture sur la personne d’un professionnel de la presse en mission. Il s’agit manifestement d’une violation grave du droit d’informer et d’être informé garanti par la législation nationale et les instruments juridiques internationaux relatifs aux droits de l’homme.

    En conséquence, OLPA appelle les forces de défense et de sécurité à ne ménager aucun effort pour que les auteurs des actes de torture ne jouissent de l’impunité.

    Rédaction

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