Trois pays, tous membres de l’Alliance des États du Sahel (AES), ont décidé de se retirer de l’organisation internationale de la francophonie (OIF). Ces pays, gouvernés par des militaires (putschistes), avaient en janvier dernier quitté la CEDEAO, communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, une organisation intergouvernementale ouest-africaine.
C’est une étape significative dans leurs relations avec la communauté francophone. La décision survient dans un contexte de tensions politiques et diplomatiques, suite à des changements de régimes et des rapprochements avec d’autres partenaires internationaux parmi lesquels la Russie.
D’abord le Niger, le lundi 17 mars 2025, suivi du Mali un jour plus tard, ont, à travers des correspondances officielles, annoncé leurs départs de l’OIF. Le Burkina Faso, dirigé par Ibrahim Traoré, devra suivre. D’après Oria K. Vande Weghe, porte-parole de l’Organisation internationale de la Francophonie, le Burkina a déjà pris une décision « similaire », a-t-elle indiqué lundi soir sur TV5 Monde.
Les deux pays ayant officialisé leurs retraits justifient la décision par le souci de conserver leurs « souverainetés ». Dans sa lettre du mardi 18 mars, le Mali accuse l’OIF de lui avoir imposé sanctions et violé sa souveraineté.
« Depuis l’avènement de la transition, l’OIF, au lieu d’accompagner le Mali dans la réalisation des aspirations légitimes de son peuple, s’est illustré par l’application sélective des sanctions et le mépris pour la souveraineté du Mali », note un communiqué du ministère malien des Affaires étrangères et de la Coopération internationale.
Les trois États, tous des anciennes colonies de la France, ont connu successivement depuis 2020 des coups d’État portant des militaires à la tête de ces trois différents pays. Peu à peu, les relations avec leur ancienne métropole sont devenues indigestes.
Le Niger est d’ailleurs le pays où l’OIF a été créée en 1970. En octobre dernier, le Niger a débaptisé des rues et des monuments de sa capitale aux noms français. Le centre culturel franco-nigérien, qui portait alors le nom du réalisateur et ethnographe français Jean Rouch, a cessé de fonctionner en tant qu’établissement binational. La place de la Francophonie a été renommée place de l’Alliance des États du Sahel.
Dans un communiqué conjoint mardi 18 mars 2025, les ministres des Affaires étrangères de l’Alliance des États du Sahel (AES) qualifient l’OIF d’« un instrument politique téléguidé », à cause de l’application sélective de sanctions sur la base de considérations géopolitiques et du mépris pour la souveraineté de leurs États respectifs.
Une influence géopolitique reconnue par l’OIF. Son porte-parole estime que la décision de retrait est néanmoins regrettable.
« C’est une décision qu’on déplore mais qu’on respecte (…) L’OIF considère peut-être être un dommage collatéral d’une situation géopolitique qui la dépasse ». Ce retrait sera effectif six mois plus tard selon les textes de l’OIF.
L’influence de la langue française dans ces pays n’ est pas à négliger. Bien que le Mali et le Burkina Faso aient officiellement retiré le français des langues officielles, elle demeure leur langue de travail, alors que le Niger la conserve toujours comme langue officielle.
Cependant, l’OIF poursuivra son fonctionnement malgré son amputation. Son porte-parole a rappelé que 5 nouveaux membres y ont adhéré lors du dernier sommet de la francophonie tenu en octobre 2024 en France. Il s’agit de l’Angola, du Chili, de la Nouvelle-Écosse (Canada), de la Polynésie française (France) et de la Sarre (Allemagne), avec le statut de membres observateurs.
Selon Jeune Afrique, en retrait dans les pays du Sahel, l’OIF veut toujours garder une marge de manœuvre sur le dossier de la crise dans l’est de la RDC. Selon les informations relayées par ce média, « une mission d’information et de contact menée par l’ambassadrice de Suisse en France, Tania Cavassini, accompagnée de plusieurs diplomates notamment ivoiriens et marocains, doit se rendre dans les semaines à venir à Kinshasa, à Kigali, à Nairobi et à Luanda afin d’évaluer les contours d’une éventuelle médiation de l’OIF ».
Afoyogira Uyergiu