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    Après le dépôt le vendredi 03 janvier 2020 d’une pétition demandant au chef de l’Etat de procéder à la dissolution de l’assemblée provinciale de l’Ituri en vue de résoudre définitivement la crise institutionnelle que traverse cette province, des réactions n’ont pas tardées.

    Essayons de passer en revue chacune d’elles, avec leurs points forts et faibles.

    A. La première réaction a été celle de la société civile de l’Ituri qui, incapable de dire un mot sur les griefs reprochés à l’assemblée provinciale par les pétitionnaires, ni d’aborder le fond du document remis au Chef de l’Etat, s’est plutôt attaquée aux initiateurs de ladite pétition, les qualifiant de « détracteurs » travaillant au cabinet du gouverneur « déchu » qui ne peuvent pas engager la population iturienne.
    Il faut relever ici que la société civile semble ignorer l’article 27 de la constitution qui stipule que pour initier une pétition à adresser à l’autorité publique, il suffit juste d’être citoyen congolais et d’agir « individuellement » ou « collectivement ».
    Les pétitionnaires peuvent être des membres du cabinet du gouverneur, ses amis ou ses agents, cela ne leur enlève en rien la qualité de « citoyens congolais » pouvant initier une pétition.
    Quant aux signataires de la pétition, la société civile parle « d’un groupe de personnes » qui aurait signé en lieu et place de la population iturienne.
    La question qu’il faut se poser c’est celle de savoir qui est-ce que la société civile considère comme « groupe de personnes » ? Les plus de 200.000 signataires de la pétition ?
    Et concernant la composition actuelle de ce qui se considère comme « coordination de la société civile de l’Ituri », il faut noter qu’elle manque cruellement de crédibilité.

    Selon les textes qui régissent la société civile de l’Ituri, avant de prendre position pour une question aussi importante comme la crise qui oppose les deux institutions de la province, elle devait réunir en assemblée générale toutes les organisations membres. Ceci n’a jamais eu lieu et la lettre adressée au chef de l’Etat pour critiquer la pétition a été écrite par une seule personne sous les ordres d’un candidat malheureux à la dernière élection des gouverneurs mais qui, curieusement, continue à se considérer comme coordonnateur de la société civile de l’Ituri.

    B. L’autre réaction est venue d’un groupe fictif, constitué de quelques jeunes gens, à leur tête le chauffeur de l’initiateur de la motion contre le gouverneur Bamanisa, et qui se sont fait passer pour des « Notables ituriens » avant d’être immédiatement recadrés par le Professeur Pilo Kamaragi, membre du conseil économique et social de la RDC, qui a clairement affirmé qu’une structure dénommée « Notables ituriens » n’existe pas en Ituri.
    Si déjà l’identité de ces prétendus notables, fabriqués de toutes pièces par les détracteurs de la pétition, pose problème, comment ne pas en dire autant du contenu de leur déclaration qui du reste n’est qu’un chapelet d’affirmations gratuites dénuées de tout fondement.

    C. La dernière réaction a été celle rendue publique le 08 janvier dernier par l’assemblée provinciale.

    Dans ce document de 3 pages, les élus provinciaux commencent par reconnaître la légalité de ladite pétition avant de se poser quelques questions relatives à la procédure de récolte des signatures suivie par les pétitionnaires.
    Ils ne manquent pas aussi d’attaquer point par point les griefs leur reprochés tout en appelant à la mise en place d’une commission d’enquête pouvant vérifier l’authenticité des signatures déposées à la présidence de la république.

    Je trouve légitimes les interrogations des Honorables députés provinciaux notamment lorsqu’ils se demandent si les initiateurs de la pétition ont eu le temps d’expliquer suffisamment à la population l’objet de leur démarche ou s’il n’y a pas eu des promesses fallacieuses de la part des pétitionnaires en vue d’arracher les signatures auprès de la population.

    Il faut cependant noter que, nonobstant ces interrogations et doutes des députés provinciaux, nul part dans leur document ils ont nié le fait que la pétition recueilli des signatures sur l’ensemble de la province.

    Du moment que l’assemblée provinciale reconnaît la légalité de la pétition et ne remet pas en cause le fait que cette pétition a cas même été signée, le Chef de l’Etat est en droit d’écouter la doléance de plus de 200.000 ituriens qui, à travers leurs signatures, lui demandent la dissolution de cette assemblée provinciale.

    Faut-il rappeler que le cadre légal de notre pays en ce qui concerne l’exercice du droit à la pétition contient encore des insuffisances et qu’il y a nécessité de le renforcer par une loi organique qui fixera toutes les modalités relatives à l’initiative d’une pétition, son champ d’application, la procédure de la récolte des signatures, le dépôt de la pétition ainsi que la suite à réserver à une pétition une fois déposée devant l’autorité publique.

    L’unique outil crédible dont dispose donc à ce jour le Chef de l’Etat dans la résolution de cette crise politique et institutionnelle vécue par la province de l’Ituri depuis le 20 novembre dernier reste la pétition qui lui a été adressée et déposée à son bureau, dont la légalité et la légitimité n’ont pas été mises en cause, les initiateurs ayant fait un effort d’observer le plus scrupuleusement possible la loi durant leur démarche.

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