La culture est une identité d’un peuple, d’une communauté, d’une nation. Outre d’autres spécialités, l’Iturien se reconnaît en « Kingwana », cette langue « Swahili », propre à cette province nord-Est de la RDC.
La langue ne témoigne peut-être pas des spécificités culturelles, mais le discours y est pour quelque chose. En clair, ce ne sont ni les mots dans leur morphologie ni les règles de syntaxe qui sont porteurs de culture, mais les manières de parler de chaque communauté, les façons d’employer les mots, d’argumenter pour blaguer, pour séduire…
En voie de disparition, notamment dans les milieux urbains, Kingwana, la spéciale en Ituri, renaît peu à peu à travers la musique, mais aussi sur les réseaux sociaux, notamment Tiktok. À la place de « Jambo, habari », l’Ituri a sa formule courte « Weko je ». Un accent qui fait la différence sur l’étendue du pays et ailleurs. Encouragez ou promouvoir ce langage, un défi urgent pour l’Ituri de relancer son identité, l’une de ses valeurs culturelles.
Kingwana est avant tout « Swahili ». l’Iturien y ajoute sa touche particulière qui la rend belle et propre à sa province. Son accent, le ton varie selon le milieu. À la discussion d’un Bindi et Hema, le ton diffère, mais pour un seul Swahili : Kingwana.
Kingwana, un héritage !. La notion de filiation dit que les membres d’une communauté linguistique sont comptables de l’héritage qu’ils reçoivent du passé. Ainsi s’est construite la symbolique du « génie » d’un peuple : nous serions tous les dépositaires d’un don qui nous serait transmis de façon naturelle : la Langue.
“Le swahili de Bunia présente des très identitaires et culturelles. Le considère comme une langue. À part entière, qui se distingue du swahili parlé dans d’autres contrées de la République. J’ai décidé de distinguer les différents Swahili à travers le pays pour favoriser l’intégration et l’adaptabilité...”, témoigne l’écrivain Iturien Isenge Ki-Ushindi.
Kingwana fait, à tort ou à raison, d’un interlocuteur un Congolais venu de l’Ituri. Mis en avant notamment par la musique actuellement, cette façon de parler devait être une véritable empreinte. Hospitalière, la province accueille plusieurs autres communautés qui parlent d’autres langues. À la recherche d’un moyen de communication standard entre les locaux et les visiteurs, il est facile d’oublier certaines valeurs originelles.
Musique, Tiktok : en avant Kingwana!
Dans la musique urbaine en Ituri, nombreux sont ceux qui pensent à Kingwana dans leur lyrics. Au Nord-Kivu, la province voisine qui a accueilli les déplacés des guerres entre 1999-2002 en Ituri, l’on n’avait qu’une seule façon de dire je vais te marier : « nita Ku owa». À la venue d’autres cultures, la manière de dire a varié. Pour exprimer la même chose, l’Iturien préférera « Mita Bubo’o».
La diversité culturelle s’installe au-delà des frontières. Dénis Bakajika, connu musicalement sous le sobriquet de Den’s Bak, avait défrayé la chronique en publiant son single ” Mita Bubo’o
« Pour moi, c’est une fierté aujourd’hui que des jeunes artistes commencent à chanter à Kingwana», se félicite-t-il 10 ans après.
Pour les artistes, c’est aussi l’originalité. Une langue qui perdure à travers le temps renforce de plus en plus l’identité et l’héritage. C’est pourquoi on continue à dire, à tort, que l’on parle ici la langue de Molière, là, la langue de Shakespeare, là encore la langue de Goethe, ou de Dante,…
Sur Tiktok, des Ituriens ne se cachent pas. Parler Kingwana semble même devenir un luxe. Pour les uns, cette langue crée une solidarité. Le cas pour Gautier Aleumba Bakananada. ” Avant je faisais mes vidéos en Lingala. C’est quand j’ai commencé par Kingwana que j’ai perçu. Des gens me confondaient aux Kinois, dès que je fais le challenge #IkoBongo, ils m’ont reconnu“, explique ce jeune qui pèse plus d’1,3 millions de j’aime sur Tiktok.
Depuis lors, Ya G (Gautien Aleumba) a juré qu’il ne fera que ses vidéos en Kingwana. La langue joue aussi le rôle de miroir et d’emblème identitaire. Des anciens comme nouveaux musiciens urbains ont compris cette leçon qui se dispense aussi bien sur les réseaux sociaux.
Verite Johnson