Silencieux depuis une longue période, Joseph Kabila et son Front commun pour le Congo (FCC), regroupement politique dont il est «autorité morale», marquent leur présence sur la scène politique congolaise, comme pour indiquer être de retour après un long «congé sabbatique».
Entre « tête-à-tête » avec d’autres leaders politiques, signatures des déclarations communes avec divers regroupements politiques de l’opposition, la présence ou le retour du «taiseux» Kabila interroge.
Ce retour intervient dans un contexte de crise sécuritaire dans la partie orientale du pays, avec notamment la présence des M23 soutenus par le Rwanda ainsi que d’autres mouvements tels que l’ADF, les Mai-Mai, la Codeco et Zaïre dans la province de l’Ituri, constante buniaactualite.cd. Au-delà, il faut souligner le débat autour de la révision ou du changement de la constitution de 2006.
A-t-il enfin trouvé des mots plus puissants que le silence ?
Connu pour son silence et notamment depuis son départ du pouvoir en 2019, Joseph Kabila est resté silencieux, ne se prononçant pas publiquement ou face aux médias sur la marche du pays, mis à part les différentes prises de position de certains caciques de son parti, le PPRD, ou d’autres partis membres du FCC.
Pourquoi partir ?
Depuis la fin de son second mandat constitutionnel, 18 ans après son règne, Kabila s’est retiré du monde politique, passant la plupart de son temps dans ses fermes. Cela sans oublier l’épisode du tristement célèbre mariage FCC-CACH où il était par moments visible aux côtés de Félix Tshisekedi, son successeur.
« Avec votre concours, j’ai fait ma part, pour l’heure», disait l’ancien chef de l’État en 2019, a rappelé le 4 janvier 2025, dans un communiqué, Raymond Tshibanda de la cellule de crise du Front commun pour le Congo.
Cette phrase, contenant une proposition incise, sous-entend pour le FCC que la retraite de son leader n’est pas encore prévue. Elle s’attend cependant qu’il reste disponible pour «aider (la nation), comme dans le passé, à relever tous les défis à venir», d’après le même communiqué.
Aucune manœuvre n’est pour le moment possible au premier sénateur à vie de postuler pour un poste électif. Du moins user de son influence pour porter un autre membre de son parti ou regroupement au pouvoir, un pari loupé pour la première fois lors des échéances de décembre 2018 avec l’échec d’Emmanuel Shadary, son dauphin, arrivé troisième après L’opposant Martin Fayulu.
Un autre échec après son départ du pouvoir, son manque de leadership pour maintenir l’harmonie entre Tshisekedi, président, et son regroupement, majoritaire au parlement. Un triste événement qui l’a amputé d’un bon nombre de personnes dans son entourage politique.
Dans certaines opinions, son silence ou son absence traduisait son refus de s’exprimer ou d’être directement lié à quelconque événement au pays : son absence à l’arrivée du pape François en début 2023, son absence au stade des martyrs à la prestation des serments de Félix Tshisekedi en janvier 2024, son silence depuis le retour des exactions du M23 en sont une illustration.
Un retour stratégique après boycott des scrutins
Dans la peau de l’opposition, le FCC a boycotté l’ensemble des scrutins du 20 décembre 2024, accusant une absence de confiance vis-à-vis des institutions, Commission électorale et Cour constitutionnelle, censées encadrer ces élections. La cour constitutionnelle qui fut une autre pomme de discorde entre Kabila et Tshisekedi alors en coalition.
Cependant, quatre années à l’approche des élections de 2028, l’heure peut être à la préparation pour éventuellement un retour au pouvoir avec en tête d’affiche une nouvelle figure.
Entre-temps, Tshisekedi règne seul, face à une opposition affaiblie, profitant de sa large majorité dans les deux chambres du parlement.
Qu’adviendra-t-il de l’arène politique ?
Par son retour et celui de son regroupement, Kabila peut jouer un rôle de réunification d’une opposition déchirée par la précédente élection. Cependant, les expériences ont toujours prouvé la volatilité du mariage entre opposants en République démocratique du Congo.
Fin décembre 2024, ils se sont entretenus avec Moïse Katumbi à Addis-Abeba, retrouvailles entre deux anciens partenaires politiques puis adversaires. Ensemble, ils ont palpé du doigt la situation générale du pays, la guerre dans l’Est, la diplomatie, l’état de droit, le projet du changement de la constitution tel qu’appuyé par une large majorité des membres de l’Union sacrée pour la nation. Dénonçant ainsi la détérioration de la RDC avec un régime tenu par un dictateur.
Du coup, le débat autour du changement de la Constitution peut prendre un nouveau tournant. Le FCC s’ajoutant visiblement à la liste des opposants à cette démarche.
Un autre apport de l’ancien chef de l’État : sa prise de position claire contre la menace M23, lui qui, à plusieurs reprises, est cité comme l’un des cerveaux de ce mouvement, accusation portée publiquement par le président Félix lors d’une interview à Belgique.
Pour l’heure, il faut d’abord attendre la restructuration du FCC qui connait également des crises internes. Une crise qui peut elle aussi fragiliser le regroupement à l’absence de son leader au pays depuis une année.
Afoyogira Uyergiu