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    Eric Bahemuka Dhevi, reporter de buniaactualite.com parcourant quelques localités de Djugu.

    Cela fait presque trois ans depuis le début des atrocités attribuées à la milice CODECO dans le territoire de Djugu situé au Nord de la ville de Bunia en Ituri. Sous la facilitation de la Monusco, une équipe de buniaactualite.com a effectué une mission d’évaluation sécuritaire et de l’impact de l’action des casques bleus engagés aux côtés de l’armée congolaise, dans la lourde tâche de rétablissement de la paix dans cette partie du pays.

    Plusieurs villages visités sur l’axe Bule-Largu-Maze, considéré comme « l’épicentre de la violence » pour en avoir été le point de départ en décembre 2017 sont presqu’inhabités et présentent une image de désolation, avec des maisons pour la plupart incendiées et des champs des cultures abandonnés et dévastés.

    Durant deux jours, soit du 25 au 27 juin 2020, notre reporter qui a parcouru sur une route totalement délabrée en cette période pluvieuse, les localités de Katoto, Lita, Kparanganza, Largu, Ché, Saliboko, Dheja, Blukua, Drodro, Roe, Maze…dresse le tableau d’un territoire agonissant, avec une population majoritairement en fuite.

    Katoto, une localité située à quelques 20 km de Bunia, les habitants vivent timidement la peur au ventre, craignant des probables attaques en provenance des villages environnants où opèrent les miliciens.

    Malgré les patrouilles quasi régulières des soldats onusiens, une bonne partie de la population de cette localité demeure en déplacement au chef-lieu de la province, où vivent plusieurs centaines de milliers de déplacés internes établis dans des camps de fortune, pris en charge par les humanitaires.

    Plus loin de là, Kparanganza est parmi les rares villages habités par les deux tribus antagonistes de la région, les Hema et les Lendu, dont les habitations ne sont séparées que par une route. Ici, seules des maisons aux portes fermées offrent un accueil aux visiteurs.

    C’est également le cas d’autres entités comme Ché, Saliboko sur la route de Drodro, qui se sont presque totalement vidées de leurs habitants suite à de multiples attaques. La plupart d’entre eux se sont réfugié au site de Roe qui accueille à ce jour entre 4.000 et 5.300 civils selon les estimations de Charité Banza, leader de la société civile dans la région.

    La sécurité de ce plus grand site des déplacés à l’intérieur de Djugu est assurée par le contingent Bangladais de la Monusco.

    Des enfants déplacés au site de Roe

    Mais M. Banza condamne la façon dont les ONG internationales distribuent les vivres en faveur de ces vulnérables.

    « Comment on peut distribuer des vivres aux uns et laisser d’autres ? Plus de 1500 déplacés vivent dans des sites non connus qui ne reçoivent pas d’assistance » confie-t-il, citant notamment les camps de Djangi, Una et Vongi situés à seulement quelques kilomètres de Drodro.

    Echange entre les casques bleus de la Monusco, les soldats FARDC et la population civile à Maze

    En dépassant Roe pour se rendre à Dheja, Gustave Dhendro et d’autres notables locaux ont plaidé pour l’installation d’une base temporaire des casques bleus dans ce milieu qui constitue un grand passage pour les assaillants lors de leurs attaques.

    Sur leur chemin de retour de Dheja, les soldats de la Monusco ont administré des médicaments à quelques habitants de Maze trouvés malades.

    Arrivés à Drodro, principale agglomération de la contrée, le Curé de la paroisse catholique qui accueille également un nombre important de déplacés, a appelé la Monusco à intensifier ses patrouilles.

    L’Abbé Dieudonné Londjiringa a en outre plaidé pour une assistance humanitaire accrue en vivres et en eau potable en faveur des personnes ayant fui leurs villages.

    Des déplacés accueillis dans l’enceinte de la paroisse catholique de Drodro

    Jadis considéré comme l’un des « greniers » de la province et du pays pour sa fourniture en produits agricoles, notamment les haricots, les pommes de terre, les maïs et autres qui inondaient les marchés de Bunia, de Kisangani et même de Kinshasa où ils étaient acheminés via le fleuve Congo, le territoire de Djugu, n’est plus aujourd’hui que l’ombre de lui-même.

    Malgré tous les efforts de l’armée nationale, de la mission Onusienne, des autorités provinciales et nationales pour anéantir la milice CODECO dont les motivations sont souvent mal ou peu exprimées, la paix tarde à revenir.

    Il faut noter que Djugu est au centre de la province de l’Ituri et figure parmi les territoires les plus peuplés du Congo avec une population estimée à plus de 2 millions d’habitants, faisant de lui l’un des principaux foyers des conflits.

    Le rétablissement de l’autorité de l’État pose énormément problème dans cette entité, on retrouve des villages entiers dépourvus d’une présence policière ni militaire.

    L’accès à la justice est également parmi les plus grands défis à relever.
    Le territoire entier de Djugu ne compte qu’un seul tribunal de paix qui siège d’ailleurs dans la cité minière de Mungwalu située à l’extrême ouest. Ce qui fait que des populations entières sont obligées de parcourir plusieurs kilomètres pour rencontrer un juge.

    L’unique prison que comptais le territoire de Djugu depuis l’époque coloniale est elle aussi actuellement abandonnée suite à son délabrement très avancé. La promesse de sa réhabilitation faite l’année dernière par le Président congolais Félix Tshisekedi lors de son passage dans la région, tarde à se concrétiser.

    Éric Bahemuka Dhevi

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