Le courage des femmes déplacées, considérées comme des femmes battantes, vivant à Mongbwalu, une commune rurale du territoire de Djugu située à 85 km de Bunia, chef-lieu de province de l’Ituri, qui font le concassage de petites pierres à l’aide des marteaux qu’elles ramassent dans les quartiers pour subvenir aux besoins de leurs familles. Elles sont connues dans la région sous l’appellation de « Maman Gbagara ».
L’énergie que dégagent ces femmes vulnérables, parmi lesquelles se trouvent des veuves et des filles-mères, traduit la volonté et la détermination qu’elles ont pour se prendre en charge et relever ainsi les défis de la misère et de la pauvreté pour le bien de leurs familles.
Mongbwalu, une grande agglomération du territoire de Djugu où la principale activité est l’exploitation artisanale d’or, avec ses plus de 130.000 habitants, a enregistré jusqu’au mois de septembre 2024 plus de 14.000 personnes déplacées ayant fui leurs villages suite à l’activisme de groupes armés locaux, notamment CODECO et Zaïre. Ces vulnérables mènent depuis plusieurs mois une vie pénible, car dépourvus de tout moyen et ne bénéficiant d’aucune assistance humanitaire de la part du gouvernement ni des ONG.
Plus de 50 cas de décès, en majorité des enfants selon la société civile locale, ont déjà été enregistrés depuis le mois de juin 2024. La famine, les mauvaises conditions hygiéniques et le non accès aux soins de santé primaires en sont les causes principales. Des groupes armés qui occupent les environs de cette entité minière empêchent la population d’avoir accès aux champs et aux sites miniers, poussant ainsi plusieurs jeunes à rester sans emploi, ce qui est souvent à la base de nombreux cas de criminalité dans la région.
Conscientes de ces conditions difficiles qu’elles traversent dans cette commune rurale, ces femmes animées par la volonté de réussir se sont engagées dans un métier à risque qui semble être réservé aux hommes. Refusant d’attendre tout de leurs maris, elles travaillent non pas pour rivaliser avec les hommes, mais pour combattre la famine en essayant de maintenir en vie toutes leurs familles.
À longueur des journées, godillots à leurs pieds, appelés dans la région jambières, tenant marteaux, plastiques et sac vide aux mains, leurs outils de travail, ces femmes sont visibles aux quartiers Kilo-moto, Baru, Dépôt, Shun 1 et Shun 2.
Au quartier Baru, à Maidede, à notre arrivée le matin, nous trouvons des femmes qui ont déjà amassé des petites pierres qu’elles réduisent en petites parties à l’aide des marteaux.
Madame Alice Neema, âgée de 26 ans, veuve, mère de trois enfants, a fui la région de Lodjo située à environ 30 km de Mongbwalu attaquée à plusieurs reprises par la milice CODECO au mois de juin 2024 faisant une trentaine de morts côté civil. Elle dit exercer ce travail pour nourrir sa famille qui ne compte que sur elle. Fatiguée à chaque fois de fuir les violences des groupes armés, Madame Alice demande aux autorités de renforcer les mesures sécuritaires.
« Je demande aux autorités de restaurer la sécurité pour que nous puissions rentrer à Lodjo et commencer à cultiver nos champs. Nous ne voulons pas y aller et quitter là encore en fuyant parce que ça fait deux fois que je rentre à Lodjo que je quittais toujours en fuyant, indique-t-elle.
Non loin de là, se trouve une autre femme, de quarantaine d’années, elle aussi elle a fui son village Kabakaba attaqué par la milice CODECO. Veuve de son état, elle déclare avoir perdu ses deux fils pendant la guerre et s’occupe maintenant de ses six petits fils qu’elle est obligée de nourrir et de faire étudier grâce à cette activité qui ne rapporte pas grand-chose.
« Depuis que nous avons fui, nous souffrons beaucoup, pas de nourriture, pas de champs, les enfants sont chassés de l’école et aujourd’hui ils sont restés à la maison, alors je vais faire comment ? C’est pour ça que je me retrouve ici pour ce travail. Je n’ai pas de mari, mon mari est mort, mes enfants aussi sont morts pendant la guerre. Ici, nous ne trouvons pas beaucoup. Pour avoir un Sengi (équivalant à 110.000 FC), il vous faut parfois rassembler trois sacs, ce qui n’est pas facile. Alors dites-moi, avec cet argent, il faut manger et payer les frais scolaires de mes six petits enfants, se lamente cette femme ».
Vers Kanga Alluvions, au quartier Kilo-Moto, nous rencontrons une fille de 20 ans, mère d’un enfant dont le géniteur a abandonné ses responsabilités. Après avoir fui les violences des groupes armés à Kilo, Boli Micheline ne veut pas se livrer à la prostitution, comme font de nombreuses filles de sa situation, qu’elle conseille d’ailleurs de suivre son exemple.
« Ce que je peux dire à ces filles qui échangent leurs corps contre 10.000 FC ou 20.000 FC, c’est de se chercher chacune plutôt une activité qui honore. La prostitution n’est pas une garantie, au contraire, elles sont en train de détruire leur avenir ».
Même situation que traverse la fille Rancine, âgée de seulement 16 ans et déjà mère d’un enfant, qui se voit obligée d’exercer ce métier qui exige énergie et sacrifice, car ses parents qui sont déplacés ne sont pas en mesure de la prendre en charge avec son enfant.
Le courage dont font montre ces femmes, suivant chacune son témoignage, mérite respect et accompagnement de tous pour qu’elles améliorent davantage leur façon de travailler.
Améliorer leur façon de travailler, c’est les regrouper en coopérative ou en association où elles pourraient mettre ensemble leurs efforts en s’entraidant mutuellement pour améliorer leur situation économique. Malgré les différences qu’elles peuvent avoir, mais que chacune comprenne les avantages qu’elles pourraient tirer en travaillant ensemble. Le gouvernement, des ONG ou des hommes de bonne volonté peuvent les former en cultures entrepreneuriales pour qu’elles ne gagnent pas seulement pour gaspiller, mais surtout qu’elles soient à mesure de se constituer un capital commercial, grâce à l’épargne que chacune devrait commencer à faire.
Le courage de ces femmes qui maintiennent leurs foyers au prix des sueurs de leurs fronts est salé par le service qui s’occupe de genre, de famille et d’enfant dans la région. Madame Jeanne Ndjangusi, sa responsable, encourage d’autres femmes n’ayant aucune activité à suivre cet exemple pour leur autonomisation.
Cette responsable du bureau Genre dénonce aussi le mauvais comportement qu’ont certains hommes qui empêchent leurs femmes de ne pas travailler.
Madame Ndjangusi dénonce plusieurs violations dont les femmes et filles de cette région minière de Djugu sont victimes, notamment les violences conjugales et les violences sexuelles où plus de 100 cas ont été enregistrés depuis janvier 2024. Au courant de cette même année, indique le bureau Genre, au moins 4 femmes ont été violées avant d’être tuées par leurs bourreaux. Les deux derniers cas datent du mois d’octobre.
Pour espérer au retour de ces déplacées dans leurs entités respectives, elle plaide pour la restauration de l’autorité de l’État dans toutes les entités encore sous contrôle des groupes armés. Et pour décourager le phénomène des violences faites sur les femmes et filles, elle souhaite voir des auteurs être sanctionnés.
La prolifération des armes au sein des groupes armés actifs dans la région causant l’insécurité et l’exploitation d’or sont notamment les causes évoquées par le bureau Genre pour justifier la montée en puissance des cas de viols dans cette entité, où parfois les conflits armés laissent les victimes de viols et de violences sexuelles sans grande aide.
Gloire Mumbesa