Archives

    Dans la profondeur d’Irumu, l’un des territoires situé au sud de la province de l’Ituri se localise un groupement dans la chefferie des Andisoma. Si le nom de cette chefferie ne vous dit (peut-être) rien, un autre devrait vous parler davantage : Chini ya Kilima, une entité, deux histoires.

    En effet, ce groupement est plus connu dans le territoire, pas seulement pour sa terre fertile, mais aussi et surtout à cause de l’avènement de la milice Force patriotique intégrationniste du Congo (FPIC). On vous explique.

    La création de Chini Ya Kilima comme groupement remonte au 29 janvier 1915. Son chef-lieu est à Sezabo, l’un des 19 villages. Depuis lors, tout allait bien… Jusqu’à l’année 2000. La guerre d’Ituri éclate. Sauve qui peut, les habitants se déplacent vers Nyakunde.

    2 ans plus tard, le Groupement s’efface quasiment. Après le 4 septembre 2002, c’était un désert. Des habitants trouvent refuge où ils veulent. Et cela pendant de longues années.

    FPIC, la naissance avec une cible à vue

    Au moment où le groupement est quasiment oublié, une milice lui vole la vedette : Force patriotique et intégrationniste du Congo en 2019. Connue au début au nom de “Chini ya Kilima” (entité où elle vient de voir le jour), c’est après quelques mois qu’elle avait adopté la dénomination « FPIC ».

    À la base, ces miliciens s’attaquaient principalement aux FARDC, l’armée congolaise, avant d’étendre leurs cibles aux civils, notamment les membres de la communauté Hema et d’autres.

    Peu après, cette milice, qui dit défendre la communauté locale (Bira), est accusée d’attaques et d’assassinats par plusieurs associations de défense des droits humains, la société civile, voire des autorités coutumières locales. Au-delà de Zaïre, Chini ya Kilima devient aussi la grande rivale de la FRPI, l’autre groupe local (d’en face) présenté comme défenseur de la communauté Bindi. Plus tard, les affrontements éclatent, selon le gouverneur militaire de l’Ituri, autour du contrôle des carrés miniers entre ces deux antagonistes.

    Marabo, Nyakunde… sont affectés. Des jeunes du coin deviennent de plus en plus suspects aux yeux des éléments des forces armées de la RDC qui subissent parfois une attaque des hommes venus de nulle part. Le chef du groupement poursuivi pour complicité sera arrêté une année après l’instauration de l’état de siège, ce régime spécial en vigueur en Ituri depuis plus de 3 ans.

    À la création et l’activisme de ces miliciens, les conséquences ont été énormes. Des milliers de populations, habitants du groupement, n’ont pas eu de choix que de se réfugier à Komanda et ailleurs. Les affrontements avec l’armée régulière ont poussé d’autres populations à s’en fuir plus loin. Certains jusqu’à la ville de Bunia.

    Nouvelle ère à Chini Ya Kilima

    Peu à peu, des habitants reviennent… 22 ans plus tard. Le rythme est trop faible jusqu’à la réinstallation du Chef. Le 31 mars 2022 marque le début d’une nouvelle ère. Un événement festif pour le plus grand bonheur des habitants du village. Un ouf de soulagement pour les habitants de la zone 2 mois plus tard.

    « Consciente de la nécessité d’offrir une opportunité pour le développement», le 30 mai 2022, la FPIC présente officiellement au Comité provincial de sécurité son acte d’engagement au cessez-le-feu, signé depuis le 15 avril.

    Malgré le cessez-le-feu, elle se disait « en alerte maximale de combat ». Pour preuve : des affrontements avec la milice voisine FRPI sont documentés après l’accord. « La bonne volonté de la milice FPIC n’est pas à abuser », avait prévenu ce jour-là Kabulabo Nyamabo Jean Bernas, son porte-parole.

    Ce jour, une accalmie apparente règne dans la région. « Depuis que je suis ici (2022), je n’ai jamais entendu un coup de feu », affirme un habitant local.

    Nouvelle ère… et la nouvelle menace 

    À Chini ya Kilima, depuis le retour, la situation était plutôt « calme », mais « les habitants ont une nouvelle menace : « les bêtes sauvages ».

    Pour atteindre Sezabo, il faut traverser Nyakunde. Une route entre le silence et le bruit du vent s’engouffre dans les pins. Le voyage de quelques kilomètres dans l’air est calme et frais.

    À la destination, la vie a repris. Plus de 260 ménages ont regagné 7 sur 19 villages. À notre arrivée, à 12h, les enfants reviennent de l’école. « Il y a des écoles, mais pas en totalité. Besoin des humanitaires pour nous venir en aide. La sécurité est totale », répond Sekerezabo Muhere, enseignant à l’école primaire Kirenge Sezabo. Une accalmie en guerre avec une nouvelle menace.

    Un nouveau conflit est né à Chini Ya Kilima. Conflits entre les bêtes sauvages et les habitants. C’est même devenu un ennemi commun, une arme de destruction massive et surtout une menace pour l’agriculture. « Ça n’en parlons pas, nos champs sont ravagés », regrette Nestor Tandishabo, un cultivateur, chemin faisant, 2 sacs de choux sur la moto.

    Depuis le retour des déplacés, plusieurs villages du groupement font face à une invasion importante d’animaux qui détruisent les cultures. Les populations ne savent plus à quel Saint se vouer. Depuis Chini ya Kilima, Luc Malembe a une offre : « Où sont les chasseurs ? Venez chasser ici ». Parmi les mammifères omnivores et forestiers : le Sanglier.

    L’autre difficulté : pas de couverture réseau. « Je dois parcourir deux kilomètres pour passer un appel téléphonique », rapporte Emmanuel Nobirabo, chef du groupement. Les plaidoyers du député Isaac Lebisabo, fils du terroir : intervention du gouvernement et/ses partenaires pour les soins gratuits et l’eau potable.

    La belle ambiance au chef-lieu. Les résidents n’ont pas oublié de fréquenter l’église, située non loin du centre de santé. Le lieu de culte est quasiment le seul qui a survécu aux années désertes. Au pied de la colline, son emplacement symbolise aussi l’identité du groupement : Chini ya Kilima (traduction : Au pied de la colline). En briques rouges, l’église borde la route.

    L’école en face tient à peine debout. À l’EP Kirenge, 3 portes, étudient pourtant plus de 300 écoliers. Les 6 enseignants qui y dispensent des cours habitent tous à Nyakunde. « S’il pleut, c’est compliqué de venir ici », mentionne un enseignant.

    Verite Johnson (Chini ya Kilima, envoyé spécial)

    Leave A Reply

    error: Content is protected !!